mercredi 5 septembre 2012

Des "Clichés", vus du ciel


photo@lessouffleuses
Gérard Bertrand le millionnaire, Gérard Bertrand l’impitoyable négociant, Gérard Bertrand le médiatique, Gérard Bertrand ou abattage marketing… Que l’on aime ou que l’on déteste ses vins, le personnage, ou encore sa politique de développement et/ou de positionnement sur le marché vinicole, il est une chose certaine : lorsqu’il décide de faire de l’oenotourisme, Gérard met « le paquet ». Jusqu’au 30 octobre, près de Narbonne, 14 artistes sont exposés au château de l’Hospitalet, dont les célébrissimes photographies de « la Terre vue du ciel », de Yann Arthus Bertrand.

Une autre façon d’aborder ces nouvelles vendanges partout en France, nous avons donc choisi d’aller voir ce que cette expo dans les vignes valait. Et ce que ses créateurs avaient à nous dire.

les deux Bertrand et Jean-Pierre Rives
photo credit@lessouffleuses
Trois hommes : un premier Bertrand (gentleman vinificateur), un second Bertrand (vu du ciel) et un sculpteur de « ferrailles », Jean-Pierre Rives (ancien capitaine de l’équipe de France de rugby), se sont retrouvés pour un été et ont souhaité partager leur vision de l’art et du vin dans le cadre du Festival Art de Vivre, Vivre l’Art 2012.

Nous avons à faire à une fine équipe qui marque l’essai : les sculptures en métal monumentales de M. Rives accueillent les visiteurs à l’entrée du château l’Hospitalet et elles en jettent.

Quant aux photos de Yann Arthus Bertrand, aussi connues soient-elles, elles ne peuvent laisser indifférentes. Disposées dans les vignes du jardin tout autour de la propriété, elles mettent en valeur tout le paysage environnant. Yann Arthus nous explique fièrement que « c’est en fait la même exposition, à quelques détails près, que celle qui se tient en ce moment même à Rio. C’est un travail commencé il y a plus de 20 ans, et une rencontre avec Gérard Bertrand à la suite d’une émission sur France 2 qui ont lancé ce partenariat » 
Pourquoi demandera-t-on ? . «  J’ai finit par dire oui, pour moi, le « terroir » est important. » 
Pour Yann Arthus, s’intéresser à la biodynamie que Gérard Bertrand a choisi comme axe de communication serait « une façon d ‘honorer les petits vins, soit tous ceux qui ont une histoire derrière leur bouteille ». Ouf, nous voilà rassurées, nous avions étouffé notre respiration avec cette juxtaposition « Gérard Betrand » et « petits vins », et nous avions même osé croire qu'il l'avait accepté pour l'argent ! 
Mais puisqu'il s’agit de raconter des histoires, nous sommes toujours d’accord. Alors on lui demande : « A quand  un projet des vignobles vus du ciel ? » Oui, il sourit : « ce serait certainement une belle façon de montrer le rapport au temps, au ciel, à l’incertain. » Affaire à suivre alors…

Photo @lessouffleuses
L’essai est transformé : le résultat de cette exposition est édifiant. La centaine d’images de cette Terre vue du Ciel, dont 15 inédites, ont été tirées pour l’occasion en grand format. Elles font prendre de la hauteur entre les rangs de ceps et sont placées stratégiquement, pour former un écho avec la volonté de « culture biologique » de  Gérard Bertrand.
Yann Arthus Bertrand avait déjà collaboré à des projets de communication sur le vin, à travers sa collaboration aux portraits de gastronomes de Bruno Verjus, ou encore en prêtant son oeil de photographe pour la réalisation d'un poster pour 1855.


Au-delà de ces têtes d’affiches hyper médiatisées, une des forces du Festival Art de Vivre, Vivre l’Art 2012 est la représentation de la scène artistique des alentours. On y trouve des artistes venus créer des œuvres in situ à l’Hospitalet, et d’autres, invités avec leurs productions phares. Un grand coup de coeur pour David Vanorbeek, notamment.
David Vanorbeek et ses insectes grand format, réalisés en ferraille
photo@lessouffleuses
On retiendra aussi le concours organisé avec la Haute Ecole d’Art de Perpignan permettant à deux jeunes créateurs d’être accueillis comme « artistes en résidence » en 2013 au Château l’Hospitalet.

Le bémol de cette expo : les choix esthétiques sont parfois étranges et l'hétérogénéité des oeuvres choisies laissent parfois perplexe. A défaut de comprendre la cohérence, on saisit pourtant bien l’idée : faire partager aux visiteurs des œuvres inoubliables, mais bien en leur vendant un maximum de rosé translucide.

Nous avons donc demandé à Gérard Bertrand de nous expliquer sa vision des liens qui unissent art et vin. S'il ne fait référence à sa volonté de positionner sa marque, il explique que le lien commun entre le travail de l’artiste et celui du vigneron correspond à un « équilibre entre un ton de couleur et un ton d’assemblage ». Quant à ses vins ? Au Château l’Hospitalet, chahutées par les 13 vents du coin, les vignes s’accrochent, le raisin est ramassé et vinifié par l'équipe de Gérard Bertrand. D’autres parcelles, plus loin, appartiennent à Jean-Pierre Rives qui a décidé d’investir et de racheter en 2011 le domaine de la Chaussé, soit 17 hectares de vignes laissées en fermage à son ami Gérard. Et nos amoureux du ballon vinifient désormais une cuvée à 4 mains nommée « Magnus Vinum ». Lorsqu’on demande à l'ancien capitaine ce choix d’investissement, il répond : « La fraternité du jeu nous a emmené jusqu’ici, ce travail c’est un témoin que je veux passer, un sens commun mis en bouteille, une église joyeuse où chacun amène son bon dieu. ». Et d’ajouter en souriant : « Je souhaite me confronter à la nature, être à tous prix dans la transmission. Sinon, pourquoi faire du vin ? ».
Soit. Mais faire du vin aussi pour mettre beaucoup de beurre dans les épinards… Gérard Bertrand est en effet propriétaire de 460 hectares de vignes sur les terres languedociennes, parmi lesquels les 60 hectares de son domaine du Cigalus, lui servent de phare en expérience de biodynamie et il n'hésite pas à communiquer largement sur ses nouveaux "vins sans souffre" distribués en GMS. Ainsi, au cœur des Corbières, entre production propre et négoce, son affaire lui rapport environ 35 millions d’€ par an. Ou comment petite PME deviendra gigantesque..

La marque est devenue incontournable sur le marché, du moins dans la visibilité qu'elle a acquise. Ses dizaines de cuvées s’alignent dans les rayons, en ciblant les clientèles avec une gamme de prix allant de 5 à 35 euros par bouteille. Et ses techniques de cultures et de vinifications sont sans aucun doute discutables. Mais en matière d’oenotourisme, Gérard Bertrand représente un fort levier des dynamiques régionales.
Dans le raisin comme dans l’art, Gérard Bertrand se fait caméléon et c’est sans doute là un attribut de son succès. Que l’on aime ou que l’on déteste, ce vinificateur est devenu un excellent communicant peut aujourd’hui faire ce qui lui plaît…




Le Festival Art de Vivre, Vivre l’Art 2012, jusqu'au 30 octobre, au Château l’Hospitalet.

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