vendredi 21 septembre 2012

Des bulles multicolores pour des expositions originales


Depuis 2007, la Maison Ackerman soutient et organise des évènements culturels sur son domaine. Peut-être avez-vous entendu parler de l’exposition « Voyage au centre de la bulle »… Rassurez-vous, on se gardera ici de déguster les bulles et d’émettre un avis sur celles-ci. Mon créneau c’est plutôt un œil sur l’art que les papilles en mode commando !

S’il y a une information à retenir ce serait celle-ci : Jean-Baptiste Ackerman fut le premier à fabriquer un vin de Loire aux Fines Bulles grâce à l’adaptation de la méthode traditionnelle champenoise ! Il faut également savoir que le terroir saumurois constitué de tuffes a une influence sur les vins qui ont la tendance naturelle à mousser très légèrement. Dans les anciennes carrières de tuffeau, M. Ackerman fonde la Maison éponyme en 1811 et restera en Loire le seul producteur de bulles pendant 40 ans. Les locaux actuels de la Maison Ackerman à St Hilaire-St Florent, (3 km de Saumur) sont acquis en 1840. L’entreprise familiale a bien progressé : 23 millions de cols produits en 2011, dont 4 millions de Fines Bulles de Loire !

photo @lessouffleusesdeverres
Un passage chez Ackerman est en effet recommandé puisque pour la modique somme de 2,50 €, vous pourrez remonter le temps… Et vos yeux grands ouverts seront invités à reconsidérer des volumes et des couleurs qui prendront une autre tournure au creux de cet écrin de tuffe. Cette exposition originale « Voyage au centre de la Bulle » prend la forme d’une promenade onirique à la découverte de l’effervescence originelle des bulles Ackerman…
Tout d’abord une projection vidéo résumant l’histoire de la maison Ackerman, mélangeant images du passé et du présent. Et comment ne pas se sentir tout petit au fond de ce puits de lumière d’une vingtaine de mètres creusé dans le tuffe ? 
Dans le réseau de galeries souterraines qui s’ouvre à votre droite, vous atterrissez au siècle dernier : processus d’élevage et de mise en bouteilles sont mis en valeur grâce à des jeux de lumière miroitants qui illuminent de vieilles machines encore bien huilées. Surplombées par des photographies d’époque reproduites en grand format, vieilles machines en 3D prennent habilement tout leur sens grâce aux images les mettant en situation.


photo @lessouffleusesdeverres
Continuant cette promenade souterraine, vous entrez bientôt dans « La Galerie ‘Royal’ » où le bureau de feu Jean-Baptiste Ackerman a été reconstitué. L’intérêt dans ce boyau de tuffe, c’est surtout la vingtaine d’affiches datant de 1880 à 1940 ! Celles-ci révèlent la manière (tout à fait illégale aujourd’hui…) dont la Maison Ackerman communiquait sur ses produits phares, les Fines Bulles de Loire. 

Entraînées dans le sillage de la réputation mondiale du Champagne, les Fines Bulles d’Ackerman se font une place au soleil et apparaissent sur les tables renommées. Par ailleurs, elles ont été récompensées par des médailles aux Expositions Industrielles de 1838, 1844 et à l’Exposition Universelle de Paris en 1855. Fortes de ces distinctions, les Fines Bulles de la cuvée Brut-Royal sont d’ailleurs recommandées pour les « malades et convalescents » !


Une découverte des arômes est proposée et il ne s’agit pas de regarder avant la réponse : il faut deviner !Des cartes concernant le chenin blanc et le pineau d’aunis, deux cépages locaux sont affichées, remplissant l'office de carte d'identité.

photo @lessouffleusesdeverres

L’escale suivante, « l’eXpérience » offre une exposition de pièces uniques de girouetterie travaillées délicatement sur le thème de la vigne et du vin. Ces pièces sont éclairées de façon à reporter leurs ombres sur les murs de tuffe. 
La scénographie crée par les lumières est une seconde fois à l’origine d’une atmosphère à la fois éthérée et géométrique... En dehors de l’intérêt esthétique, cette escale est surtout la preuve de la mise en œuvre de partenariat entre la Maison Ackerman et les artisans locaux, ici l’Atelier de Girouetterie Coudray-Macouard.




Et enfin, l’escale "eXplosion" est celle qui coupe le souffle, écarquille les yeux et les oreilles. Les bras se tendent essayant d’attraper volutes argentées et bulles multicolores… Grâce à une mise en scène lumineuse étudiée à la seconde près, Yorga, plasticien performeur saumurois, crée ici une œuvre monumentale et pourtant  insaisissable… 
Cet artiste breton travaille avec des matériaux ordinaires, le scotch et le fil de fer! Yorga s’en saisit et les transforme tant et si bien, qu’à force de sculptures on ne reconnait plus la matière. Les jeux de lumière contribuent à plonger le spectateur dans un ailleurs féérique et l’interprétation est laissée à chacun sans aucune médiation préalable. 
Englouti dans un univers tenant à la fois du cosmique et de la précision arachnéenne, le public se prend à divaguer, oubliant un instant où il se trouve. Avec ces matières ordinaires, Yorga a su créer un voyage extra-ordinaire parmi les Fines Bulles de Loire.

photo @lessouffleusesdeverres
Parce que cet enchaînement - d’histoires, de traditions, d’objets mécaniques devenus patrimoines, d’initiation à la connaissance des cépages locaux, d’œuvres d’art - a su immerger le public dans une « eXpérience » à la fois théorique et onirique, la souffleuse de verres salue la mise en scène de la Maison Ackerman. 
Il faut de tout pour faire l’œnotourisme et la Maison Ackerman a décidément bien réussi, puisqu’elle a reçu le Prix Excellence des caves touristiques du Val de Loire de la part de l’interprofession ligérienne cette année. Permettons-nous d’espérer trouver demain le même niveau de qualité dans les bulles multicolores Ackerman que dans ces expositions originales proposées par la maison !

Charlotte 
photo @lessouffleusesdeverres



mercredi 5 septembre 2012

Des "Clichés", vus du ciel


photo@lessouffleuses
Gérard Bertrand le millionnaire, Gérard Bertrand l’impitoyable négociant, Gérard Bertrand le médiatique, Gérard Bertrand ou abattage marketing… Que l’on aime ou que l’on déteste ses vins, le personnage, ou encore sa politique de développement et/ou de positionnement sur le marché vinicole, il est une chose certaine : lorsqu’il décide de faire de l’oenotourisme, Gérard met « le paquet ». Jusqu’au 30 octobre, près de Narbonne, 14 artistes sont exposés au château de l’Hospitalet, dont les célébrissimes photographies de « la Terre vue du ciel », de Yann Arthus Bertrand.

Une autre façon d’aborder ces nouvelles vendanges partout en France, nous avons donc choisi d’aller voir ce que cette expo dans les vignes valait. Et ce que ses créateurs avaient à nous dire.

les deux Bertrand et Jean-Pierre Rives
photo credit@lessouffleuses
Trois hommes : un premier Bertrand (gentleman vinificateur), un second Bertrand (vu du ciel) et un sculpteur de « ferrailles », Jean-Pierre Rives (ancien capitaine de l’équipe de France de rugby), se sont retrouvés pour un été et ont souhaité partager leur vision de l’art et du vin dans le cadre du Festival Art de Vivre, Vivre l’Art 2012.

Nous avons à faire à une fine équipe qui marque l’essai : les sculptures en métal monumentales de M. Rives accueillent les visiteurs à l’entrée du château l’Hospitalet et elles en jettent.

Quant aux photos de Yann Arthus Bertrand, aussi connues soient-elles, elles ne peuvent laisser indifférentes. Disposées dans les vignes du jardin tout autour de la propriété, elles mettent en valeur tout le paysage environnant. Yann Arthus nous explique fièrement que « c’est en fait la même exposition, à quelques détails près, que celle qui se tient en ce moment même à Rio. C’est un travail commencé il y a plus de 20 ans, et une rencontre avec Gérard Bertrand à la suite d’une émission sur France 2 qui ont lancé ce partenariat » 
Pourquoi demandera-t-on ? . «  J’ai finit par dire oui, pour moi, le « terroir » est important. » 
Pour Yann Arthus, s’intéresser à la biodynamie que Gérard Bertrand a choisi comme axe de communication serait « une façon d ‘honorer les petits vins, soit tous ceux qui ont une histoire derrière leur bouteille ». Ouf, nous voilà rassurées, nous avions étouffé notre respiration avec cette juxtaposition « Gérard Betrand » et « petits vins », et nous avions même osé croire qu'il l'avait accepté pour l'argent ! 
Mais puisqu'il s’agit de raconter des histoires, nous sommes toujours d’accord. Alors on lui demande : « A quand  un projet des vignobles vus du ciel ? » Oui, il sourit : « ce serait certainement une belle façon de montrer le rapport au temps, au ciel, à l’incertain. » Affaire à suivre alors…

Photo @lessouffleuses
L’essai est transformé : le résultat de cette exposition est édifiant. La centaine d’images de cette Terre vue du Ciel, dont 15 inédites, ont été tirées pour l’occasion en grand format. Elles font prendre de la hauteur entre les rangs de ceps et sont placées stratégiquement, pour former un écho avec la volonté de « culture biologique » de  Gérard Bertrand.
Yann Arthus Bertrand avait déjà collaboré à des projets de communication sur le vin, à travers sa collaboration aux portraits de gastronomes de Bruno Verjus, ou encore en prêtant son oeil de photographe pour la réalisation d'un poster pour 1855.


Au-delà de ces têtes d’affiches hyper médiatisées, une des forces du Festival Art de Vivre, Vivre l’Art 2012 est la représentation de la scène artistique des alentours. On y trouve des artistes venus créer des œuvres in situ à l’Hospitalet, et d’autres, invités avec leurs productions phares. Un grand coup de coeur pour David Vanorbeek, notamment.
David Vanorbeek et ses insectes grand format, réalisés en ferraille
photo@lessouffleuses
On retiendra aussi le concours organisé avec la Haute Ecole d’Art de Perpignan permettant à deux jeunes créateurs d’être accueillis comme « artistes en résidence » en 2013 au Château l’Hospitalet.

Le bémol de cette expo : les choix esthétiques sont parfois étranges et l'hétérogénéité des oeuvres choisies laissent parfois perplexe. A défaut de comprendre la cohérence, on saisit pourtant bien l’idée : faire partager aux visiteurs des œuvres inoubliables, mais bien en leur vendant un maximum de rosé translucide.

Nous avons donc demandé à Gérard Bertrand de nous expliquer sa vision des liens qui unissent art et vin. S'il ne fait référence à sa volonté de positionner sa marque, il explique que le lien commun entre le travail de l’artiste et celui du vigneron correspond à un « équilibre entre un ton de couleur et un ton d’assemblage ». Quant à ses vins ? Au Château l’Hospitalet, chahutées par les 13 vents du coin, les vignes s’accrochent, le raisin est ramassé et vinifié par l'équipe de Gérard Bertrand. D’autres parcelles, plus loin, appartiennent à Jean-Pierre Rives qui a décidé d’investir et de racheter en 2011 le domaine de la Chaussé, soit 17 hectares de vignes laissées en fermage à son ami Gérard. Et nos amoureux du ballon vinifient désormais une cuvée à 4 mains nommée « Magnus Vinum ». Lorsqu’on demande à l'ancien capitaine ce choix d’investissement, il répond : « La fraternité du jeu nous a emmené jusqu’ici, ce travail c’est un témoin que je veux passer, un sens commun mis en bouteille, une église joyeuse où chacun amène son bon dieu. ». Et d’ajouter en souriant : « Je souhaite me confronter à la nature, être à tous prix dans la transmission. Sinon, pourquoi faire du vin ? ».
Soit. Mais faire du vin aussi pour mettre beaucoup de beurre dans les épinards… Gérard Bertrand est en effet propriétaire de 460 hectares de vignes sur les terres languedociennes, parmi lesquels les 60 hectares de son domaine du Cigalus, lui servent de phare en expérience de biodynamie et il n'hésite pas à communiquer largement sur ses nouveaux "vins sans souffre" distribués en GMS. Ainsi, au cœur des Corbières, entre production propre et négoce, son affaire lui rapport environ 35 millions d’€ par an. Ou comment petite PME deviendra gigantesque..

La marque est devenue incontournable sur le marché, du moins dans la visibilité qu'elle a acquise. Ses dizaines de cuvées s’alignent dans les rayons, en ciblant les clientèles avec une gamme de prix allant de 5 à 35 euros par bouteille. Et ses techniques de cultures et de vinifications sont sans aucun doute discutables. Mais en matière d’oenotourisme, Gérard Bertrand représente un fort levier des dynamiques régionales.
Dans le raisin comme dans l’art, Gérard Bertrand se fait caméléon et c’est sans doute là un attribut de son succès. Que l’on aime ou que l’on déteste, ce vinificateur est devenu un excellent communicant peut aujourd’hui faire ce qui lui plaît…




Le Festival Art de Vivre, Vivre l’Art 2012, jusqu'au 30 octobre, au Château l’Hospitalet.